Paroles et Musiques n° 25, janvier 1990 Bernard Maryse Retranscription de Monique Hudlot
Sirima la lumineuse allait connaître la gloire. Le monde souterrain du showbiz le savait et pariait sur elle avant même que ne sorte son premier album : "A part of me". Pour CBS, elle était l'artiste d'une carrière. Elle s'est retirée, un peu forcée... Mais le monde avec sa violence la méritait-il ?
Du métro au tombeau... La brève histoire de "Maman douce"
Sirima, si dommage...
Je vous préviens tout de suite : le scénario n'est pas très bon. La fin surtout, est bâclée. C'est l'histoire de Sirima, une jolie chanteuse qui vit dans le métro. Une source vive au coeur de l'enfer citadin...
Sirima vit au jour le jour, avec un guitariste rencontré dans un bar chinois, et ne pense pas à faire carrière. Sa voix, comparable à celle de Joan Baez, et sa guitare folk font courir des frissons suaves dans le dos des usagers fatigués de la station Châtelet-Les Halles. Elle ne prête aucune attention aux producteurs - véreux ou pas - qui laissent leur carte dans le chapeau de la quête. Sa nostalgie lui suffit pour vivre heureuse. Elle vient du Sri-Lanka et se souvient encore de la guitare de son père, des baïlas folkloriques et des danseurs de Kandy dans la rue Gumtaha. L'enfance est son paradis perdu. A 8 ans, elle vit en Angleterre avec sa mère, bretonne et fraîchement divorcée. Elle est une fillette un peu triste pour son âge. Seule la pop music donne des ailes à ses rêves.
Quinze ans plus tard, dans le métro parisien, elle n'a rien oublié et continue de chanter avec sa guitare, sa confidente en accords mineurs. Son univers souterrain devient soudain plus pesant. Elle aimerait avoir un enfant. Sirima - qui signifie "maman douce" en cinghalais - est mûre pour remonter à la surface : là où poussent les maisons avec des jardins et des chats aussi. Un musicien, après mille autres, passe et laisse ses coordonnées. Il est saxophoniste. Il s'appelle Philippe Delettrez et propose à Sirima de travailler avec lui. Il a l'air sympa. C'est OK !
Et comme le saxo n'est pas le manchot du métier, il lui permet de rencontrer une star de la chanson française. Pour vous donner une idée, c'est comme si Sirima rencontrait Jean-Jacques Goldman. Première erreur du scénario ! Cela fait un peu conte de fées, non ?
Jean-Jacques Goldman, enthousiasmé par la limpidité de sa voix, enregistre avec Sirima un duo, "Là-bas", qu'il intègre à son double album, "Entre gris clair et gris foncé". Deuxième erreur dans l'écriture du personnage : au lieu de s'afficher un peu plus, Sirima reste infiniment discrète et, d'une certaine manière, refuse de jouer le jeu de la célébrité. Ce qui compte, c'est le bébé qu'elle attend et le métro, qu'elle fréquente encore pour le seul plaisir de jouer et de chanter, loin des sunlights. C'est impossible comme histoire. On dirait du Eugène Sue...
Sirima aimerait à présent faire un disque. Les propositions ne se font pas attendre. Elle choisit CBS, qui lui donne carte blanche. Elle pourra chanter ce qu'elle veut. Entièrement libre ! Et Sirima quitte le métro pour les studios. Elle écrit les paroles de toutes les chansons en anglais. C'est d'une belle facture, assez classique et sobre. "Maman douce" ne fait pas de provoc' ni de tape-à-l'oeil. Elle reste égale à elle-même, et ne brade pas son talent pour une quelconque ambition commerciale. Troisième erreur... "A part of me" est un très bel album. Sirima y affiche sa nostalgie, ses états d'âme et ses joies : "Kym" est un hommage rendu à son fils. Elle ne triche pas. Dans un autre titre, "I need to know", Jean-Jacques Goldman donne la réplique à Sirima. Sans ostentation. Le disque se termine sur la batterie lourde de Manu Katché. Quant Philippe Delettrez, son découvreur, il reste le réalisateur de l'album et le compositeur des chansons les plus rythmées.
Lentement mais sûrement, Sirima va devenir une vedette. Elle n'y peut rien. Des hommes veillent sur son avenir et ont foi en elle. Mais Kahatra Sasorith, son compagnon, commence à voir d'un très mauvais oeil cette situation. Il sent Sirima lui échapper. Sa toute petite contribution à l'album, en qualité de seconde guitare, n'a pas calmé sa colère et son aigreur. Sirima ne lui appartient plus. Elle est trop grande pour lui. Même si ce n'est pas vrai, il s'en convainc. Sirima décide de le quitter, mais Kahatra ne veut pas. Il se saisit d'un couteau de cuisine et le plante dans le coeur de Sirima. Voilà ! Comme ça, il est sûr qu'elle ne partira plus. D'un seul coup, Kym perd sa mère et son père qui se livre aussitôt à la police.
Je vous avais prévenus : la fin n'est pas du tout crédible. Faudrait voir s'il n'y a pas une possibilité d'en changer. C'est comme de faire mourir Bruno Carette d'une maladie nulle...